Page:Variétés Tome VII.djvu/173

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l’emporte, d’autant que l’Espagne, hormis l’Aragon et la Grenade, est fort sterile ; joint la paresse qui est naturelle au peuple d’icelle56. D’autre part le païs de Languedoc et de Provence en fournit presque la Tuscane et la Barbarie. Ce qui cause l’abondance d’argent et la cherté du bled. Car nous ne tirons quasi autres marchandises de l’Espagnol que les huilles et les espiceries, avec des oranges ; en-


56. Bodin entre dans quelques autres détails sur cette paresse des Espagnols, qui avoit si bien trouvé son compte dans la vie facile que lui faisoit l’or d’Amérique, et qui étoit cause qu’un grand nombre de nos travailleurs émigroient continuellement vers ses provinces. On y trouvoit tout à faire et au meilleur prix, « même le service et les œuvres de main, ce qui, dit Bodin, attire nos Auvergnats et Limosins en Espagne, comme j’ay seu d’eux-mêmes, par ce qu’ils gaignent le triple de ce qu’ils font en France : car l’Espagnol, riche, hautain et paresseux, vend sa peine bien cher, tesmoing Clénard, qui met en ses epistres, au chapitre de despense, en un seul article, pour faire sa barbe, en Portugal, quinze ducats par an. » Ce n’étoient pas seulement des Limosins et des Auvergnats dont l’émigration continuelle alimentoit l’Espagne de travailleurs. Le Gevaudan en fournissoit beaucoup, surtout pour les bas métiers, auxquels répugne la dignité castillane. De là le sens méprisant que les Espagnols ont donné au mot gavasche, qui est le nom de ces laborieux montagnards. V. le Lougueruana, p. 39 ; de Méry, Hist. des proverbes, t. 1, p. 306 ; Fr. Michel, Hist. des races maudites, t. 1, p. 346. Encore aujourd’hui l’Andalousie est pleine d’Auvergnats ; ce sont eux surtout qui font le vin. Quand Olavidès établit dans la Sierra Morena, à la fin du 18e siècle, la petite colonie de la Caroline, c’est en partie avec des François qu’il la peupla.