Page:Variétés Tome VII.djvu/256

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Toute nostre garnison est presque taillée en pièces ; personne ne s’ose adventurer d’aller aux murailles ny aux coups. Nous avons des capitaines lasches et de peu de courage. Nostre ennemy est puissant, nos forces foibles, sans esperance de secours. Que pouvons-nous esperer, si non qu’une funeste et triste journée où nous passerons toutes au fil de l’espée, si nos maris soutiennent plus longtemps l’effort des armes royalles ?

— Ma cousine dit vray (fit une autre de moyenne taille), mon aisné y est mort aussi bien que les autres, et a payé la folle enchère de son imprudence. De l’excuser, je ne le puis, cela me touche de près ; car nonobstant que mon mary soit de la religion pretendue et qu’il tienne le party des rebelles, je ne peux advoüer pourtant qu’il se faille cantonner contre son maistre.

Une assés âgée, qui estoit debout au milieu de l’assemblée, print la parolle. À la verité, dit elle, nos maris vont trop avant, c’est trop se bander contre le roy. J’ay peur enfin qu’il y en ait quelques-uns qui portent la paste au four pour leurs compagnons. Le roy en endure trop, il est trop doux et trop benin ; je ne sçay comment il ne nous a desja fait abismer et ensevelir dans nos propres ruynes.

— De mon jeune temps on ne parloit point de cela, dit une vieille qui n’avoit plus que deux dents. J’ay bien veu des guerres, j’ay veu des grandes expeditions ; mais il ne s’est jamais remarqué qu’on eût fait tant d’efforts contre son roy. Il est de droit divin et humain de luy obeyr, non pas de lui resister ; pour moy, je n’approuveray jamais le conseil de tous