Page:Variétés Tome VIII.djvu/173

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qui estoit assez suffisant. » La dame, faisant la meilleure chère qu’elle pouvoit au chirurgien, commença à le haranguer comme ensuit :

« Mon cher amy, vous estes fort expert en vostre art, d’avoir si tost guery ce pauvre homme. Estes vous passé maistre ? Non pour tout cela ne laisserez de garder un secret : je vous tiens pour un si honneste homme, que ne voudriez faire une telle faulte de déclarer un homme d’honneur. — Jesus, dict il, Madame, j’aymerois mieux mourir. — Pour vous dire, vous sçavez à combien de misères les gents d’honneur sont subjects : mon mary, que voicy, se blessa un jour, maniant un cheval, les vous m’entendez bien, et sont fort enflez ; mais je croy que pourrez bien le guerir, puisque avez faict la cure de ce pauvre homme ; je vous prie d’y mettre tout vostre pouvoir, et vous asseure que je ne manqueray à vous contenter, et outre vous feray un present honneste. »

La dame va querir son mary et l’amène en une chambre, appelle le chirurgien, et là font exhibition du sac et besongnes de nuict. La dame, soigneuse, comme à la verité le faict luy touchoit : « N’est-il pas vray (disoit-elle) que le gueu estoit plus malade que mon mary ? — Ouy, respond le chirurgien ; mais, madame, il ne faut perdre de temps, il faut avoir des drogues et unguents. Où vous plaist il que j’aille, à Tours ou à Saumur ? — Il me semble que l’on trouve de tout à Saumur. Tenez, voilà vingt escus, prenez ma haquenée, et vous en allez promptement querir tout ce qu’il vous faut. »

Ayant l’instruction du cagou, il s’en va, et est