chevalier, pour les très injustes et indignes raisons quy se voyent au procez, et resolu totalement de luy ravir la vie, estoit pour peser et machiener le moyen d’executer ce sien diabolique et scelerat dessein, par aguet et preparatifs d’armes, et atitrement
rencontré d’opposition plus persistante que de la part de Reiner Zeno, l’un des trois chefs du Conseil des Dix. Zeno ne manquoit jamais l’occasion de censurer les actes du doge, surtout lorsqu’il s’agissoit de faveurs accordées par celui-ci à ses enfants. Quand l’un d’eux, Frédéric Cornaro, avoit été fait cardinal par le saint-père, Zeno avoit crié bien haut que la loi de Venise interdisoit à tout fils de doge d’accepter les bienfaits de Rome ; il ne fut pas écouté. Sa malveillance eut plus de succès dans une autre occasion. Jean Cornaro prétendoit faire admettre ses trois fils dans le sénat ; Zeno s’y opposa, et fit si bien que Georges, le plus jeune, ne fut pas reçu sénateur. De là la haine de celui-ci contre Zeno, de là sa vengeance. Un soir d’hiver, la nuit étant déjà noire, il l’attendit avec quelques bravi « sous le portique même de la cour du palais » ; et, peu d’instants après, Zeno, sortant du Conseil, tomba percé de neuf coups de poignard, dont heureusement pas un ne fut mortel. Le lendemain, les vêtements ensanglantés de Zeno, une hache trouvée sur le lieu de l’assassinat, furent portés au milieu de la place Saint-Marc ; mais le peuple de Venise étoit trop accoutumé à ces sortes de spectacles pour s’étonner de celui-là. Georges avoit pu s’enfuir. Il fut condamné par contumace, ses biens furent confisqués, son nom rayé du livre d’or, et un marbre fut placé à l’endroit où le crime avoit été commis. C’est à Ferrare qu’il s’étoit réfugié. Il n’en revint pas ; peu de temps après, il fut tué dans une dispute qu’il eut avec un autre banni. — La pièce que nous reproduisons est la traduction de l’arrêt rendu contre Georges par le Conseil des Dix, arrêt