Page:Variétés Tome VIII.djvu/83

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J’oze chanter un prince cramoisi3,
Prince superbe alors que la fortune
L’eslevoit haut au cercle de la lune,
Et que, suivy de ses joyeux suppos,
Entre les plats, les pintes et les pos,



fleur de ses amis », douze ducats, dont il se fit faire un superbe habit de frise noire. Le roi n’est pas oublié parmi ces bienfaiteurs : il donne cent livres de gages à Bluet d’Arbères, puis une chaîne d’or de cent écus, et, de plus, trois cent quarante écus en diverses fois. Qu’il seroit curieux, après cela, que le comte de Permission eût été un espion du duc de Savoie ! Ce qui est à peu près assuré, ce dont tout le monde convient, même l’Estoille (Journal de Henri IV, 25 août 1603), c’est qu’il étoit beaucoup moins fou qu’il ne vouloit le paroître. Il eut tout au moins le bon sens d’économiser les profits de son extravagance. Un beau jour, tout compte fait, en additionnant jusqu’aux plus menus objets, « la bouteille d’huile que M. Cenamy lui avoit donnée pour sa salade », les mille chateries que lui prodiguoit Mme de Conti, etc., il se trouva qu’il n’avoit pas récolté moins de quatre mille écus. À trente ans de là, comme le remarque Nodier dans son curieux article sur Bluet d’Arbères (Bulletin du bibliophile, nov. 1835, p. 32, etc.), Corneille ne gagna pas tant avec le Cid, Horace et Cinna !

3. C’est-à-dire magnifique. Au 16e siècle, et même, comme on le voit ici, au commencement du 17e, tout ce qui étoit beau se disoit en cramoisi. V. Henri Estienne, Dialogue du nouveau langage françoys italianisé. Pour fier, superbe, on disoit rouge. Dans L’Amant rendu cordelier à l’observance d’amour, on lit les plus rouges (pour les plus fiers) y sont pris. Brantôme se sert du même mot à propos de l’insolence des Suisses contre M. de la Trémouille à Novare. Du mot rouge ainsi employé on fit le mot rogue, par une simple transposition de lettres.