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Page:Variétés Tome X.djvu/140

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Si des champs de la Pouille il discourt et raisonne ;
Si, vanteur, il sçait bien son art authoriser,
Louer les estrangers, les François mespriser ;
Si des lettres l’honneur à luy seul il reserve

Et desdaigne en crachant la françoise Minerve4.

Il te faut dextrement ces ruses imiter,
Le sçavoir sans cela ne te peut profiter.
Si le sçavoir te fault, et tu entens ces ruses,
Tu jouyras vainqueur de la palme des Muses.
Ne pense toutefois, pour un peu t’estranger
De ces bavardes sœurs, que tu sois en danger
De perdre tant soit peu : tu n’y auras dommage,
Car aux Muses souvent profite un long voyage.
Tu en rapporteras d’un grand cler le renom,
Et de saige sçavant meriteras le nom.
Mais si tu veux icy te morfondre à l’estude,
Chacun t’estimera fol, ignorant et rude.

Doncques en Italie il te convient chercher


4. Tout ce passage va droit à Charles Fontaine, fils de marchand, qui entreprit le voyage d’Italie pour faire sa cour à Renée de Ferrare, et qui en rapporta, en même temps qu’une grande admiration pour ce qu’on y écrivoit, un grand mépris pour notre littérature nationale, pour la françoise Minerve, comme il est dit ici. Du Bellay devoit d’autant plus s’indigner de ce mépris de Fontaine pour nos muses françoises, qu’il avoit surtout éclaté dans le Quintil horatian, dont le but étoit la critique de sa Défense et illustration de la langue françoise. Au sujet du voyage de Fontaine en Italie, dont font foi plusieurs de ses élégies et de ses épigrammes, on peut consulter la Bibliothèque françoise de l’abbé Goujet, t. XI, p. 120–121.