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Page:Variétés Tome X.djvu/247

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——--Qui peut resister à deux cens,

——--Se laisse emporter à deux mille.

« Je croi fort aisément ce que tu dis, lui repondis-je ; mais, quoi qu’il en soit, j’aime mieux ne m’engager en conversation qu’avec toi seul, de peur d’embrouiller la chose. — Tu n’as pas tant de tort, me dit-il ; si nous étions plus de deux, nous voudrions peut-être parler tous à la fois, comme font assez ordinairement les hommes quand ils se trouvent plusieurs ensemble. Ecoute-moi donc tout seul, je t’en conjure, et sois persuadé que je te ferai sçavoir des choses assez curieuses. Comme je suis d’un or le plus ancien qu’on puisse trouver, je pourrai te conter mes aventures : car, afin que tu ne t’y trompes pas, j’ai conservé le même sens et la même intelligence que j’ai présentement, dans toutes les formes differentes sous lesquelles j’ai paru. Je fus tiré de la mine sous le règne du dernier Darius, et j’ai vu tout le bouleversement de ce grand empire. Cependant, sans te rien dire de toute la suite de l’histoire, dont je te fais grâce et que je te pourrais conter ici s’il m’en prenoit fantaisie, il me suffira de t’apprendre qu’en ce temps-là je portai la figure du conquerant qui renversa le trône des Perses ; et je me contenterai de te faire sçavoir, en passant, quelque chose des amours de ce siècle-là, qui étoient tout à fait differentes de celles de celui-ci. Les langueurs, les plaintes et les desespoirs n’étoient point en usage parmi les courtisans de ce grand prince. Comme c’étoient tous gens accoutumez à de promptes et grandes expeditions, ils avançoient bien plus