Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/151

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C’était hideux. Mais la force de l’habitude engouffra les voyageurs dans les voitures. Ceux qui en descendaient poussaient des soupirs de soulagement et se hâtaient vers la sortie.

Les portes claquèrent. Le chef de train donna le signal. Au ralenti, le convoi s’engagea dans le tunnel.

Notre voiture de première était modérément garnie. Aurore put s’asseoir sur un strapontin ; je restai debout à côté d’elle. Nos voisins, frappés de mutisme, tout en se grattant machinalement, fixaient des regards d’appréhension sur les lampes malades. Voyant l’une d’elles complètement masquée par sa carapace de lichen pourpre, un grand boy-scout dégingandé prit à sa ceinture un couteau « suédois » et se mit à racler l’ampoule. Son exemple fut aussitôt suivi, et les lampes, nettoyées, éclairèrent, ce qui allégea l’atmosphère morale du wagon.

À la Concorde, un flot de voyageurs montants acheva de bonder la voiture et me refoula contre Aurore, qui dut se lever de son strapontin. Mais j’eus à mon flanc et à mon épaule la tiédeur de sa personne, et la communion de nos regards ôta au silence sa contrainte.

Cependant l’arrêt se prolongeait. Sur le quai, en face de nous, le chef de gare, penché sur son téléphone, lançait alternativement des répliques dans l’appareil, et des réflexions au chef de train, qui attendait, à la porte de la cabine vitrée. Enfin la difficulté sembla résolue. On repartit.

À vitesse réduite, comme si la rame s’avançait à