Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/210

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illusoires), l’une à 10 et l’autre à 20 francs le kilo… La plus chère s’enlevait rapidement…

Mon marchand de tableaux du boulevard Saint-Germain, qui était en même temps un « ami », me retint à déjeuner, pour traiter nos affaires à loisir. Il est certain que si Luce m’eût vu dans cette circonstance, elle se serait moquée à juste titre de ma facilité à me laisser « rouler » dès que l’on sait me prendre « par les sentiments ». L’impression d’avoir mon portefeuille déjà garni par le montant du chèque que je venais de toucher en passant boulevard Haussmann, y contribua sans doute ; je ne sus pas défendre mes intérêts pécuniaires avec l’âpreté qui donne à tant de nos contemporains ces airs de bouledogues prêts à mordre, dès l’instant où ils discutent une question d’argent à donner ou à recevoir ; et finalement je laissai à mon homme, avec 30 % de rabais sur le prix que je m’étais fixé, une toile qu’il avait en dépôt et à laquelle il tenait évidemment.

Même à ce prix, affirma-t-il, c’était une grâce qu’il me faisait. L’invasion du Lichen nuisait énormément aux affaires. Le commerce de la peinture était durement touché par le blocus mondial. Pour peu que cela durât, ce serait le marasme complet.

Mon marchand de la rue des Saints-Pères se montra encore plus pessimiste, et non sans cause : deux Américains étaient venus déjà, ce matin, prétendre résilier un marché de 35.000 francs. Il refusa de me rien ache-