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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/23

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sur un espace à peu près dépourvu de cailloux et tapissé d’aiguilles de pin, et s’agenouillant, diagnostiquait :

— Pas de blessures apparentes… Simple syncope.

— Nous ne la transportons pas tout de suite à la voiture ? demandai-je un peu moins inquiet.

— Il vaut mieux rétablir la respiration d’abord… Quelques mouvements rythmiques ; et si cela ne suffit pas vous m’aiderez à faire des tractions de la langue.

Débarrassant de son serre-tête la jeune fille évanouie et dégrafant le haut de sa combinaison fourrée, il se mit à lui soulever et rabaisser les bras, en cadence.

Le visage, dans l’ébouriffement bouclé des cheveux acajou sombre, coupés mi-longs, prenait la délicatesse d’un médaillon de cire, où un reste de rouge aux lèvres pouvait dénoter la coquetterie féminine aussi bien que la chaleur de la vie dont je guettais avidement le retour. Je songeais à un roman de Wells, La Merveilleuse Visite, dans lequel un ange se matérialise, sorti de « la quatrième dimension ». La même merveille, ici, se réalisait : l’ange astronaute avait quitté, pour l’existence réelle, le domaine fallacieux de l’écran… Et j’éprouvais une joie tremblante à reconnaître, sur ce visage en relief, à incarner trait par trait et compléter mon Aurore Lescure en noir et blanc.

— Ouf ! elle respire, dit avec satisfaction Alburtin, en cessant la manœuvre des bras. Et voici qu’elle se ranime.

Les paupières battirent, s’ouvrirent au large, et les