Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/257

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au milieu du carrefour, il inspectait l’une après l’autre les deux avenues, Il m’interpelle :

« — Hé ! dites donc, l’automobiliste, est-ce qu’il en vient d’autres ?

« — Je n’ai rien vu que des cadavres sur la route. Je ne sais pas de quoi vous parlez… C’est une émeute qu’il y a eu ?…

« Au loin vers la Fourche, des détonations crépitèrent, puis le tac-tac d’une mitrailleuse, Cela dura vingt secondes et se tut brusquement.

« Une clameur déferla, des cris se propagèrent : Ils reviennent ! Sauve qui peut !

« L’officier me quitta, pour retourner à ses hommes. Ceux-ci se disposèrent en tirailleurs, sur la droite et sur la gauche de l’auto blindée, qui s’était mise au milieu de la chaussée, le nez de ses mitrailleuses visant l’avenue de Saint-Ouen.

« Debout sur le marchepied de ma voiture, ignorant le danger, je ne songeais qu’à voir la suite.

« Un point lumineux, au fond de l’avenue mal éclairée, s’avançait avec de petits bondissements souples… tiens, comme un ballon de foot-ball qui eût roulé tout seul sans personne pour le pousser. Il grossissait et se rapprochait, suivant l’axe de l’entrevoie des tramways, et derrière ce premier ballon, il y en avait encore, un, deux, trois, dix… toute une ribambelle à la queue leu leu… de grosses boules de lumière verte… comme des globes