Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En stricte logique, je pourrais arrêter là mon récit, puisque ce geste, en m’assurant l’amour d’Aurore, clôt l’ère des incertitudes et ouvre celle du bonheur par définition sans histoire. Mais, pour être complet, je donnerai encore un schéma du reste de cette journée, puisque la prédestination qui avait fait débuter mon aventure avec l’histoire du lichen et les avait toutes deux entremêlées de façon si étroite, se manifesta de nouveau, en coupant court au règne effectif du Lichen, le jour où je conquérais définitivement ma bien-aimée.

Au sortir de la gare d’Austerlitz, Nathan se montra pour Aurore d’une prévenance maladroite et touchante. Ce célibataire à la vie sentimentale aride, ayant tout sacrifié à la science, même le simple bonheur domestique, révélait une âme paternelle. Tout en soutenant ma compagne par l’autre bras, il lui murmurait des paroles d’encouragement.

Sur le trottoir, devant la limousine que gardaient le chauffeur et un policier de la Xénobie, il interrogea :

— Où faut-il vous déposer ?

Dans sa détresse, Aurore se tourna vers moi. Elle se remettait entre mes mains.

Ma décision était prise. L’entourer d’une illusion de milieu familial. Je donnai l’adresse de Frémiet. La bienveillance toujours prête de mon oncle et la compassion assurée de ma tante me permettaient d’espérer qu’Aurore ne coucherait pas à l’hôtel cette nuit. À tout