Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/72

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l’agence, afin d’électriser l’opinion publique et les souscripteurs. Le nom de Cassis n’est pas mentionné parce que Cheyne préfère que je ne sois pas interviewée trop tôt… parce qu’il veut être d’abord assuré de ma complicité auprès des journalistes. On me l’a demandée formellement, cette complicité, par ce câble que j’ai reçu hier soir, et je n’ai pas encore répondu… On me l’a demandée une fois de plus ; je l’ai toujours refusée jusqu’ici.

— Peut-être M. Cheyne croit-il que vous avez pu en effet atteindre la Lune ?

— Il sait parfaitement, tout comme mon père, que c’est impossible, avec l’appareil et les réservoirs dont je disposais. Il le sait si bien qu’il a pris soin de me munir contre mon gré de pépites d’or, dans l’espoir que je finirais par céder et me rendre complice de sa supercherie ; que je me laisserais fléchir, du moins par amour filial… Mon pauvre père, si bon, si plein de génie, mais si faible !…

Elle eut un hoquet de détresse ; je la vis prête à fondre en larmes, là, au milieu des passants. Déjà une vieille dame, arrêtée aussi devant l’étalage, nous observait…

Doucement, je posai la main sur le bras de ma compagne, pour l’apaiser.

— Ma pauvre petite ! Votre peine me déchire. Remettez-vous ; faisons quelques pas sans rien dire, venez plus loin, à l’abri de la foule, sur le port.