Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/74

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la Lune, quand on possèdera un explosif plus puissant que l’hydrogène atomique, découverte que croit tenir mon père. Les chiffres seuls comptent pour lui ; le reste, ce que le vulgaire nomme les faits, est sans importance. Mon père, je puis vous l’avouer à vous, mon père n’a pas le sens moral. Oh ! entendez-moi bien ; c’est une espèce de saint laïque ; sa vie privée est d’une innocence parfaite ; mais le domaine social lui échappe entièrement, il y perd toute notion du bien et du mal, du juste et de l’injuste. Voilà comment il ne voit dans le bluff de Lendor Cheyne qu’une anticipation légitime… une extrapolation, comme on dit en sciences… puisque le résultat final est tout proche et assuré.

« Lendor-J. Cheyne, lui aussi, est persuadé que le génie de mon père vaincra les derniers obstacles qui nous séparent encore du succès définitif ; que, d’ici deux, trois, quatre ans au plus, quelqu’un, moi ou un autre pilote, débarquera sur le sol lunaire et en rapportera des échantillons de l’or dont le spectroscope y a révélé l’indiscutable présence. Ce n’est qu’une question d’argent, déclare-t-il ; et les faits jusqu’ici lui ont donné raison. C’est à coups de dollars, en prodiguant les expériences et les essais coûteux, que nous avons déjà réalisé l’envol d’hier jusqu’au vingtième du trajet : 18.000 kilomètres sur 380.000. Secondées par des ressources financières suffisantes, la science et la volonté peuvent tout. Mais la foi du public qui fournit ces ressources a besoin d’amorces plus grossières qu’une certitude rationnelle.