Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/234

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Micheline (9) : c’est assurément une de ses meilleures productions. La beauté des draperies, la grâce et la vivacité des têtes sont merveilleuses. Rien n’est plus touchant que cette jeune femme, injustement accusée d’adultère, qui jure sur un livre sacré qu’elle n’est point coupable ; ses traits respirent l’indignation et l’innocence. Elle regarde avec assurance son mari qui ne peut croire qu’elle ait, sans crime, mis au monde un petit négrillon. On est également saisi de compassion à la vue d’un malheureux couvert de plaies et d’ulcères dont la puanteur éloigne quelques femmes qui, par leurs gestes, expriment le dégoût et l’horreur. Dans un autre tableau, qui renferme une foule de pauvres estropiés, on doit remarquer des raccourcis qui, pour le premier essai qui ait été tenté en ce genre, sont vraiment dignes d’éloges. Mais la partie la plus admirable de cet ouvrage est celle où l’on voit sainte Micheline recevant de certains usuriers le prix de ses biens pour le distribuer aux pauvres. On lit sur son visage le mépris de l’argent et des choses terrestres, tandis que l’avarice et l’avidité sont énergiquement tracées sur la face sordide d’un usurier qui, prêt à compter ses écus qu’il couvre de ses doigts crochus, semble parler à un notaire occupé à écrire. Trois figures allégoriques de l’obéissance, de la patience et de la pauvreté, planent dans les airs, et soutiennent l’habit de saint François. Les plis de leurs vêtements sont traités avec une souplesse et un naturel qui montrent que Giotto naquit pour être le flambeau de la peinture. Enfin, dans un navire occupé par des marins et