Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/248

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lités vitales manquèrent à Michel-Ange, ou que Michel-Ange a voulu systématiquement paralyser chez lui, puisque l’œil le plus attentif ne saurait en retrouver la manifestation dans son œuvre ! Une ou deux aptitudes, une ou deux qualités simples lui ont suffi. Confiées au tempérament le plus sain, et au jugement le plus volontaire, elles ont porté cet homme à un point que personne avant ni après lui n’a pu atteindre, et qu’on peut à peine mesurer. Cependant, qu’on examine avec soin, et qu’on cherche avec bonne foi tout ce qu’il y a d’orgueil et d’entêtement dans la fière sobriété de ce talent, de ce génie, dans la fastueuse monotonie de sa forme et de son expression, et dans la pauvreté plus insolente encore de ses effets, et l’on comprendra combien il est vrai de dire que l’exclusion ou l’adoption fanatique de certaines idées peut conduire loin un artiste, et lui prêter de la force ; et cela surtout quand cette exclusion ou cette adoption naissent d’un mouvement intime et consciencieux, et d’une appréciation exacte de sa propre organisation. Michel-Ange, mieux qu’aucun autre assurément, a connu ses lacunes et a su ce qui lui faisait défaut. Son grand secret a été le souverain mépris de ce qui lui manquait, et l’inexpugnable confiance dans ce qu’il possédait. Aussi son grand succès à cette heure est de nous paraître aussi riche par ce qui lui manque, que par ce qu’il a. On se demande, on s’étonne, on ne comprend pas, on admire comment un mortel a pu être assez savant, assez fort, assez sûr de lui-même surtout, pour entreprendre et terminer avec succès des œuvres qui im-