les saillies de l’esprit et les hardiesses de l’ignorance. La facilité, la verve, la pénétration des hommes les plus ingénieux, ne suffisent pas pour asseoir une doctrine ; et c’est sur une doctrine cependant que toute critique bien faite doit se fonder. Néanmoins on peut dire que les écrivains français se sont en général montrés moins passionnés, moins partiaux, moins systématiques que les Allemands ; mais il est fort à croire que le manque de conviction les a un peu aidés dans leur modération. Ils ont à peine effleuré la matière, et ils paraissent avoir trop compté sur l’éternel incognito de plusieurs livres fort intéressants, assez rares, et en tous cas non traduits. Quant à notre Vasari, que de gros volumes sont sortis de ses flancs, et qu’on a donnés comme tout à fait neufs et excellents ! Nous ne les citerons pas, pour éviter le scandale. Ce qu’il y a de plus surprenant dans cette manœuvre, c’est que l’on s’aperçoit, par une étude approfondie de notre auteur, que les savants et les académiciens qui l’ont mis le plus impudemment à contribution n’ont pas même pris la peine de le lire, et se sont contentés de le feuilleter avec des ciseaux à la main, craignant sans doute la fatigue et la perte de temps que leur aurait causées la lecture attentive de dix volumes. Il en est même parmi eux qui, désirant s’éviter la peine de penser pour leur compte, et voulant paraître maîtres de leur sujet, ont trouvé assez commode de profiter de l’abandon peu réfléchi, de la surabondance et des divagations contradictoires du Vasari, de telle sorte qu’ils puisent à la fois chez lui et l’énonciation d’une erreur, et les arguments qui la combattent. Parés ainsi d’une sagacité usurpée, affectant ainsi une grande profondeur, ils ornent le tout d’un cliquetis de paroles brillantes et de phrases alambiquées, tout à fait en dehors de l’art ; et pourtant ces œuvres superficielles et boursouflées n’en ont pas moins des prôneurs et des admirateurs. Stimulés par l’amour de la vérité, nous tâcherons de faire ressortir leur inconsistance et leurs écarts.
Voilà dans quel sens et pourquoi nous nous sommes permis d’ajouter aux vies des artistes les plus célèbres nos annotations ou commentaires. Après avoir mûrement réfléchi par où avaient péché