Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/42

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La sculpture et la peinture n’étaient pas plus avancées. Les chefs-d’œuvre ensevelis sous les ruines de l’Italie restaient ignorés. On prenait alors pour le type de la perfection ces horribles figures en terre ou en pierre, ces monstrueux profils grossièrement coloriés, et ces mosaïques barbares, productions d’un reste de vieux artistes grecs qui vinrent enseigner leur métier aux Italiens. Cependant, après les pillages, les bouleversements et les incendies de Rome, il restait encore assez d’arcs de triomphe, de statues et de colonnes, mais personne ne fut en état de les apprécier et de les utiliser. Enfin, l’an 1250, le ciel, touché de compassion, ouvrit les yeux aux Toscans, et leur envoya des hommes capables de discerner le bon du mauvais, de secouer le joug des vieux maîtres et de prendre les anciens pour modèles. Par anciens j’entends les artistes qui travaillèrent avant Constantin à Corinthe, à Athènes, à Rome et dans d’autres fameuses villes, jusqu’aux règnes des Néron, des Vespasien, des Trajan, des Adrien et des Antonin ; j’appelle vieux ces Grecs qui parurent depuis saint Silvestre, et qui surent plutôt teindre que peindre. Leur art se bornait à tracer des profils sur un fond de couleur, comme le prouvent les mosaïques qu’ils exécutèrent en Italie et que l’on voit aujourd’hui dans toutes les vieilles églises, et entre autres dans la cathédrale de Pise et à San-Marco de Venise. Leurs peintures ne montrent que des yeux effarés, des mains raides et ouvertes, et des pieds en pointe. Les églises de San-Miniato et de Santo-Spirito, à Florence ; de San-Giuliano et de San-Bartolommeo, à Arezzo ; et la vieille basilique de San-Pietro, à Rome, renferment une foule de ces images qui ressemblent à des monstres plus qu’à toute autre chose. Enfin ces Grecs ne furent pas plus heureux en sculpture : on s’en convaincra sans peine en voyant les bas-reliefs d’Ognissanti et de la porte de San-Michele sur la place Padella, à Florence, quantité de tombeaux et de portes d’églises, et ces consoles composées de figures tellement informes et si mal proportionnées qu’on ne peut rien imaginer de plus pitoyable.