Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/88

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étonné de la dissemblance des aspects et des formes. Entre ces monuments il n’y a de pareil que leur destination immédiate et leur grandeur positive. Leur complexion linéaire est entièrement différente. Bien plus, sous le rapport artistique, l’Égypte semble protester contre l’Inde. Ici, l’art est luxuriant et incorrect ; là, il est retenu et mesuré. L’art oriental n’a pas d’autre frein que son propre découragement, il va toujours jusqu’à ce que son œuvre l’épuise et que sa force l’abandonne. Le prêtre indou enseigne à ses pénitents que, par la volonté et la mortification, on peut arriver à détrôner les puissances créatrices ; et cela, il l’enseigne aussi à ses artistes. Pénitents et artistes, après les plus insoutenables tentatives, aboutissent également à l’évanouissement et au vertige. La mysticité du prêtre égyptien a moins d’audace et plus de puissance. Elle applique plus prudemment la volonté, et le destin confond moins ses entreprises. Un calcul plus exact, une géométrie plus certaine, une intelligence plus profonde du besoin et de la ressource, assujettissent dans toutes ses branches et dans toutes ses tendances l’art égyptien. Ici point de fantasmagorie puérile, point de recherches vaines, point de surprises et de miracles ; mais partout le silence, le repos, la sobriété, la grandeur et l’indestructibilité. Ici point de colonnes grêles comme des roseaux, souples et tordues comme des reptiles, historiées, ciselées, évidées comme des filigranes, pointues comme des aiguilles, aussi bien par la base que par le sommet. Point de pierres sonores, mobiles, découpées dans