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Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/44

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Les autres esclaves, frappés d’étonnement (car les arts sont tout à fait inconnus dans ces contrées), s’empressèrent de prévenir leur patron, qui récompensa Fra Filippo en lui rendant la liberté. Ainsi le dessin eut assez de puissance pour toucher le cœur d’un Barbare. Fra Filippo donna plusieurs peintures à son maître, qui le renvoya à Naples. Il y exécuta, dans la chapelle du château, où se tient aujourd’hui la garde, un tableau en détrempe pour le roi Alphonse, alors duc de Calabre (2).

De Naples, il revint à Florence où, pendant un séjour de quelques mois, il fit, pour le maître-autel des religieuses de Sant’-Ambrogio, un très-beau tableau qui lui mérita l’amitié de Cosme de Médicis (3). Il laissa encore un autre tableau dans le chapelle de Santa-Croce, et une Nativité du Christ dans la chapelle du palais Médicis. La femme de Cosme le pria de reproduire ce sujet et de peindre un saint Jean-Baptiste qu’elle destinait à orner une des cellules de l’ermitage des camaldules, qu’elle avait fait construire pour se livrer à ses dévotions. Divers petits tableaux que Cosme offrit à Eugène IV valurent à notre artiste un grand crédit auprès de ce pape.

Fra Filippo était, dit-on, d’un tempérament si ardent, que dès qu’il rencontrait une femme qui lui plaisait il était prêt à sacrifier jusqu’à son dernier sou pour la posséder, et si elle lui résistait, il cherchait, en peignant son image, à assoupir la flamme de son amour. Cet appétit désordonné exerçait sur lui un tel empire, qu’il le détournait sou-