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Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/442

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seconde est de l’apprécier avec moins d’abandon et relativement en le comparant à d’autres, et en lui demandant un compte sévère de tout ce qui explique et motive sa forme et sa marche. Dans le premier cas, on applaudira l’auteur parce qu’on aura été charmé et instruit ; dans le second, on le blâmera parce qu’on ne l’aura pas été en vertu des règles convenues et des habitudes établies. Les livres parfaits sont ceux qui satisfont à la fois à ces deux besoins, à ces deux attitudes du lecteur ; qui répondent par la richesse de leur fonds à son désir d’instruction, qui résistent, par la beauté de leur forme et la rigueur de leur méthode, à son examen et à sa critique. Mais pour le lecteur comme pour l’écrivain l’équilibre est difficile à garder, et les ouvrages universellement approuvés sont bien rares. Ils sont rares à ce point, sur les matières les plus positives et les plus travaillées, qu’on peut les croire impossibles sur quelques-unes qui le sont moins. Le Vasari, dans son temps de chaude production et d’insouciante activité, ne se doutait pas assurément que la chose fût si difficile. Dans son amour-propre et sa jactance florentine, il se félicite parfois d’avoir fait un livre admirable et complet. Ses contemporains, moins exigeants que nous, furent de son avis. Il obtint un succès immense ; mais la critique s’éveilla plus tard pour lui. Retourné en tous sens par les commentateurs, il fut naturellement pris souvent en défaut. On ne pourra jamais croire, en France, aux travaux énormes, aux discussions compliquées auxquels l’Italie se livra et se livre encore pour expliquer, rectifier, ordonner et compléter l’œuvre du peintre d’Arezzo. C’est un cercle vicieux dont les écrivains sur l’art ne savent pas sortir, et dans lequel ils tourneront encore long-temps, perdant ainsi leurs veilles et leurs peines à des choses puériles et qu’on embrouille d’ailleurs d’autant plus qu’on s’y acharne. Les questions de dates et de dimensions à un jour et à un pouce près tourmentent encore des hommes sérieux, qui s’épuisent à dresser un inventaire qui ne pourra jamais se terminer, parce que l’art a trop produit en Italie, que ses productions ont été trop disséminées au dehors, et trop confondues et emmêlées dans son propre sein. La liste des