Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/480

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précierai mal. L’inquiétude d’un grand génie qui a reçu pour mission d’initier son époque à tant de choses nouvelles ne prouve point l’inconstance de son humeur, mais plutôt la conviction de sa force et la conscience de son devoir. Le premier en date entre les artistes les plus éminents de sa prodigieuse époque, le Vinci fut soumis à la logique du temps, qui veut qu’on s’efforce d’agrandir et de perfectionner les principes de l’art avant d’en multiplier les exemples. La recherche des causes permanentes et des lois immuables de la nature, le développement de tous les procédés et de toutes les ressources techniques, tel fut le grand œuvre de Léonard ; et c’est quelque chose qu’on ne peut circonscrire sans injustice. Si l’on dit que Léonard a laissé à la postérité beaucoup de travaux inachevés, il faut ajouter en regard qu’il avait complété son influence et ses enseignements. Au reste, le Vasari envisage son illustre compatriote au point de vue florentin. L’art dans ces temps marchait vite. La méthode et les principes certains qui distinguaient l’école de Florence faisaient que chacun s’y appropriait bientôt les résultats et les progrès de son devancier[1] : Michel-Ange, jeune homme quand Léonard avait déjà fourni sa carrière, put rapidement paraître plus grand que lui, et l’éclipser par sa jeune renommée.

Mais Florence ne fut pas en quelque sorte la patrie du Vinci. Obligé d’aller ailleurs fonder sa gloire, il ne devait point en recueillir là tout le fruit. En effet,

  1. Voir Lanzi, Hist., tom. I, pag. 193.