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Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/507

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à ses peintures la perfection que nous leur voyons, ses dessins, quoique bons, remplis de charme et faits de main de maître, ne lui auraient pas acquis la réputation dont il jouit parmi les artistes. Notre art est si difficile, et demande tant de genres de perfection, que rarement un homme peut les posséder tous. Les uns, habiles dessinateurs, pèchent par le coloris ; d’autres au contraire, merveilleux coloristes, sont de pauvres dessinateurs. Ceci provient du sentiment et de la pratique qu’on adopte dès l’enfance : pour atteindre la perfection, il faut joindre le coloris au dessin. C’est pourquoi une haute distinction est due au Corrége, qui réunit toutes ces qualités dans ses tableaux à l’huile et ses fresques. L’Annonciation qu’il peignit à Parme, dans l’église des Franciscains, vient à l’appui de ce que nous disons. Cette fresque est si admirable, que les frères voulant faire réparer le bâtiment, et craignant que la peinture n’éprouvât quelque dommage, entourèrent de charpentes armées de ferrements la muraille qu’ils coupèrent peu à peu, et ils réussirent à sauver ainsi un chef-d’œuvre qu’ils placèrent ensuite dans un lieu plus sûr du même couvent.

Le Corrége peignit aussi sur une porte de la ville une Vierge tenant l’enfant Jésus dans ses bras. Les étrangers, qui ne connaissent pas les autres ouvrages d’Antonio, admirent avec étonnement le ravissant coloris de cette fresque. À Sant’ Antonio il représenta la Vierge, sainte Marie-Madeleine, et auprès d’elles un petit enfant qui tient un livre et sourit si naturellement qu’il égaie et oblige en quelque sorte