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Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/398

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absolument la porte aux améliorations acquises dans les procédés de la coloration par les Lombards, par les Vénitiens. Pour faire autre chose que des fresques pâles, sans relief et sans profondeur, des cartons sans modelé et sans vie, Florence dut bien quelquefois invoquer le génie de la couleur, et lui demander de jeter quelque prestige à une délinéation sévère jusqu’à rebuter l’œil et froisser la raison. Mais l’orgueilleuse Florence, tout en subissant cette nécessité, en garda un amer dépit, et chercha à détourner l’attention d’une démarche qui lui semblait humiliante. Michel-Ange représente admirablement l’esprit de sa ville dans la manière dont il usa de l’industrieux élève du Giorgione. Sûr de son fait, à l’aide de cet habile praticien, il rêve la défaite de l’école romaine et la honte du grand Raphaël ; mais en mettant l’insouciant Vénitien à tribut, le fier Florentin prétend l’écraser sous sa protection et ses bienfaits. Sébastien donnera dans l’intimité de longs renseignements à Michel-Ange, et Michel-Ange, à son temps perdu, fera la fortune et la gloire de Sébastien ; et si Sébastien ne marche pas droit, s’il montre un peu trop de confiance en soi, s’il veut que, dans une occasion un peu importante, son patron paraisse lui devoir quelque chose, ne serait-ce qu’un enduit à la mode de Venise, son patron le traitera de lâche et de fainéant, et entendra ne plus le revoir de la vie, et ce dédain pour l’homme s’étendra jusqu’à sa science. La peinture, comme il la pratique, sera bonne pour les femmes, et jamais Michel-Ange ne consentira à s’y commettre.