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Page:Vasari - Vies des peintres - t7 t8, 1841.djvu/305

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LORENZO DI CREDI. 275

rité, et paraître souvent très^bizarres, soit dans leurs mœurs, soit dans leurs discours. Il n’y a nul inconvénient à le reconnaître ; mais cette excentricité et ce manque de tenue ne se trouvent-ils jamais chez les personnes d’un autre ordre , et suffisent-ils pour faire ranger les artistes à part ? Nous ne le pensons pas. L’homme fortement attaché à un travail qui passionne et absorbe toutes les puissances de son esprit, prend sans doute une physionomie particulière qui l’isole évidemment entre les travailleurs nonchalants ou les oisifs ennuyés. Quand cet homme qui a violemment tendu ses facultés se repose, il conserve encore une partie des préoccupations de son travail , et garde , sans qu’il s’en doute, un air distrait ou fantasque qu’on attribue à la bizarrerie de son humeur ; ou s’il est assez puissant sur lui-même pour échapper décidément à toute réminiscence fatigante de la tâche qu’il vient d’im terrompre, il sait trop bien le prix de la tranquillité qui répare les forces , pour ne pas s’envelopper dans une indifférence qui le rend encore un sujet de curiosité et d’étonnement pour les gens qui ne s’appliquent ou ne s’abandonnent jamais. Ainsi Michel-Ange paraissait tour à tour au public florentin le plus maniaque des hommes , soit qu’il s’enfermât dans son atelier, s’y barricadant et s’amunitionnant comme dans une forteresse menacée, fabriquant lui-même ses outils, s’exténuant à remuer lui-même son lourd matériel, oubliant l’heure des repas et du sommeil, et tombant en syncope au milieu de ses fatigues ou de ses désespoirs ; soit qu’é-