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truelle ; ceux de la mineure, métamorphosés en manœuvres, avaient à la ceinture la truelle seulement et étaient munis d’un oiseau[1] et d’un levier.

Lorsque tous les sociétaires furent réunis, le président leur montra le plan d’un édifice qu’il fallait bâtir. Les maîtres se rangèrent alors autour d’une table sur laquelle les manœuvres apportèrent dans leurs oiseaux les matériaux destinés aux fondements, c’est-à-dire pour mortier, des lazagnes et de la crème sucrée, pour sable du fromage mêlé à diverses épices, pour gravier de grosses dragées et des berlingozzi[2], pour briques et pour tuiles des pains et des gâteaux. Quand on fut arrivé au soubassement, les maîtres le jugèrent défectueux et le brisèrent à coups de marteaux : l’ayant trouvé rempli de tourtes, de foies et d’autres mets semblables, ils le mirent au pillage. Ils démolirent ensuite une colonne farcie de chapons et de tripes de génisse, puis, ils attaquèrent la base, formée de fromage de Parme, un merveilleux chapiteau de tranches de chapon et de rouelles de génisse, et une cimaise de langues. Ils n’épargnèrent pas davantage l’architrave, la frise et la corniche, qui renfermaient tant de choses exquises, que leur énumération nous entraînerait trop loin ; qu’il nous suffise d’ajouter que le signal de la retraite fut donné par une pluie artificielle accompagnée de nombreux coups de tonnerre.

À quelque temps de là, Matteo da Panzano, étant

  1. On appelle oiseau la machine dont les manœuvres se servent pour porter le mortier sur leurs épaules.
  2. Berlingozzi, sorte de gâteau feuilleté de forme ronde.