Page:Vasari - Vies des peintres - t9 t10, 1842.djvu/49

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mais tout cela pèche par l’ensemble. La plupart des torses sont trop grands, tandis que les bras et les jambes sont trop petits. Quant aux tètes, elles sont totalement dépourvues de cette grâce et de cette beauté singulière que l’on admire dans ses autres peintures. Il semble ici ne s’être occupé de certains morceaux que pour négliger les plus importants. En somme, loin de se montrer dans ce travail supérieur aux autres artistes, il resta inférieur à lui-même, ce qui prouve qu’en voulant forcer la nature on aboutit à se priver des qualités que l’on devait à sa libéralité. Mais Jacopo n’a-t-il pas droit à notre indulgence ? Les artistes ne sont-ils pas exposés à se tromper de même que les autres hommes ? Le bon Homère, suivant le proverbe, ne s’endort —il pas quelquefois, lui aussi ? Jacopo, en dépit de ses erreurs, ne laissera donc pas d’avoir donné dans tous ses ouvrages des preuves d’un talent estimable. Comme il mourut avant d’avoir terminé son Jugement universel, on prétendit que sa mort avait été causée par l’extrême mécontentement de lui-même, où il était tombé ; mais la vérité est que la vieillesse, et que la fatigue qu’il éprouva en modelant des maquettes et en travaillant à fresque, lui occasionnèrent une hydropisie qui le conduisit au tombeau, à l’âge de soixante-cinq ans.

Après la mort de Jacopo, on trouva dans sa maison une foule de dessins, de cartons et de maquettes, et une belle Madone qu’il avait peinte maintes années auparavant. Ce tableau fut vendu par ses héritiers à Piero Salviati.