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EMER DE VATTEL.


I

VIE.


Un portrait[1], quelques lettres[2], le bref témoignage de rares contemporains ; voilà, pour ceux qui veulent, à côté d’un auteur, un homme, tout ce qui reste de Vattel, écrivain qui, discrètement, n’occupe pas l’histoire de sa personne, mais, silencieusement, de son œuvre.

Emer (ou Emmerich) de Vattel naquit à Couvet, dans la principauté de Neuchâtel, en Suisse, le 25 avril 1714. Son père, David de Vattel, était pasteur de l’Eglise réformée. Sa mère, Marie de Montmollin, était fille d’un conseiller d’Etat et trésorier général de S. M. le roi de Prusse dans la principauté de Neuchâtel. Son oncle, Emer de Montmollin, avait soutenu les droits de Frédéric Ier de Prusse à la succession de Neuchâtel, ce qui lui valut le titre de chancelier, servi dans plusieurs négociations importantes et noué d’étroites relations avec les savants d’Allemagne, d’Angleterre et de France.

Du côté paternel, Emer de Vattel héritait le goût de la philosophie, du côté maternel le goût de la politique, de l’un et l’autre celui des belles-lettres. Ses deux frères, plus âgés, suivirent la carrière des armes. Emer, qui, dès son enfance, montrait pour l’étude les plus heureuses dispositions, se destina d’abord à la théologie. À la mort de son père, en 1730, il fit de brillantes humanités à l’Université de Bâle. En 1733 il vint à Genève. Mais ses goûts

  1. On n’a, pour toute représentation de Vattel, qu’une statue en pied, de 1875, adossée à la façade méridionale de la bibliothèque de Neuchâtel. Elle représente Vattel en robe, calme et méditatif, son Droit des gens à la main. Le Musée historique de Neuchâtel possède, de Vattel, une lithographie très nette ; elle est signée Donon, mais n’indique pas le portrait d’après lequel elle fut faite. À la bibliothèque de la ville de Neuchâtel, mon excellent collègue, M. André Mercier, professeur à la faculté de droit de Lausanne, dont l’amitié s’était chargée de faire, dans l’intérêt de la présente publication, toutes recherches iconographiques nécessaires, a été assez heureux pour découvrir, suspendu à une galerie, l’original de cette lithographie, et le directeur de la bibliothèque, M. Robert, a bien voulu en autoriser la reproduction photographique. La reproduction de la lithographie, ayant donné de meilleurs résultats que celle du tableau, a été préférée pour le frontispice du présent ouvrage. D’après l’Iconographie neuchâteloise de Bachelin, il n’existe pas d’autre portrait de Vattel que ce tableau et cette lithographie.
  2. Les lettres auxquelles nous faisons allusion sont, non seulement les Lettres intimes d’Emer de Vattel, publiées par Virgile Rossel dans la Bibliothèque universelle et Revue suisse, 1902, janvier-mars, p. 36 et s., mais encore celle à un correspondant inconnu, en date du 26 mai 1757, qu’a bien voulu nous communiquer M. Robert, le très distingué directeur de la Bibliothèque de Neuchâtel, auquel nous sommes heureux d’en exprimer ici tous nos remerciements ; puis les lettres relatives à Vattel que nos recherches personnelles nous ont permis de découvrir, notamment dans la correspondance de Voltaire et d’autres, que nous citerons plus loin. Peut-être n’est-il pas inutile de donner in extenso le texte de la lettre de Vattel, du 26 mai 1757, (qui n’a jamais encore été publiée, mais qui mérite d’autant plus de l’être, qu’elle est précisément relative à son œuvre maîtresse, Le Droit des gens :

    « À Neuchâtel, le 26 Mai 1757.

    « M. Bertrand m’envoye sa réponse, mon cher Ami, afin de ne faire qu’un seul paquet. Je veux y joindre deux mots, quoique je vous aye déjà répondu. Mais comme je vous ai écrit par occasion, le dernier billet vous parviendra beaucoup plustôt que le premier. J’ai adressé à M. Béguelin 30 exempl. d’un Programme que j’ai fait