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NIHILISTE

route opposée et maudire ce que nous avons aimé ?

— Je ne te comprends pas !

— Il n’est pas utile que tu me comprennes. Je me comprends trop bien moi-même !

Elle s’échappa pour n’avoir pas à formuler plus clairement sa pensée, et, enfonçant vaillamment le fin talon de ses bottines dans le sable tiède, elle prit les devants. De longues grappes de genêts d’or pendaient à droite et à gauche, répandant un très doux parfum de miel ; des mousses mordorées ouataient le sol, et, sous le dôme transparent des jeunes feuilles, je voyais l’ombrelle mauve de Louise onduler comme une immense campanule.

Ce fut, à travers les futaies et les taillis, une adorable promenade, qui se termina par la découverte d’un étang, tout constellé d’iris et de libellules. Par moment, l’eau se ridait au saut brusque d’une grenouille. Un rampement de couleuvre, dans l’herbe, nous faisait tressaillir ; d’innombrables hannetons mouchetaient les branches, lourds, indécis, déployant un peu leurs élytres, sous lesquels passait un bout d’aile froissée, comme passait, sous le pardessus marron de nos élégants, le pan d’habit noir.

Quand nous eûmes bien visité la forêt et qu’elle eût cueilli, avec cette prédilection qu’ont toutes