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NIHILISTE

que donne le ciel de juillet et d’août. De petites nuées roses escaladaient l’horizon, tout se taisait. Il fallait rentrer. Je passai mon bras autour de la taille flexible de mon amie, et, la tenant pressée contre moi, silencieuse et lasse, je retournai sur mes pas.

Par moments, les arbustes se faisaient plus rares, et tout le paysage si gai, si agréablement accidenté des environs de la Seine, nous apparaissait, dans une brume chaude, comme estompé d’une fine poudre d’or. Paris fermait l’horizon ainsi qu’une colossale mer de féerie, une mer aux vagues pétrifiées, d’où surgissait le mât prodigieux de la tour Eiffel. Par gradations lentes, le jour et le ciel changeaient de couleur ; un voile sombre descendait sur le lumineux décor. Nous nous retournâmes vers l’Occident : le soleil disparaissait, les cimes des arbres ruisselaient d’éclaboussures sanglantes. Puis, peu à peu, les nuages en aigrette dans l’espace immobile s’éteignirent comme les dernières fusées de cette apothéose. Les étangs perdus dans la verdure me semblèrent alors des yeux vitreux qui nous regardaient, des yeux de moribonds tout pleins de l’ombre du néant. Je frissonnai en serrant plus fort mon amie contre moi. Dans le wagon, où nous étions seuls, elle ferma les paupières, mit sa tête contre la mienne et me parla de mille