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NIHILISTE

connue et aimée. Cet amas hideux de chairs bouillies, ce cadavre effrayant ne pouvaient être le corps adorable que j’avais tant de fois couvert de baisers !

Quand on l’emporta pour le cimetière, j’étais à moitié fou, et l’on dut me surveiller pour m’empêcher de me livrer à quelque acte de désespoir. Ce n’est que longtemps après que je repris possession de moi-même. Je suivis alors avec un intérêt passionné les débats de cette affaire, m’informant de tout ce qui avait pu, de près ou de loin, toucher à la morte.

Il y eut une perquisition dans son atelier. Chaque buste de terre contenait une bombe ; c’est ainsi qu’elle avait pu les transporter sans éveiller les soupçons. Ivan Stepanof, qui demeurait rue Notre-Dame-des-Champs, se livrait à leur fabrication, et la jeune fille, après avoir ébauché une figure, glissait à l’intérieur le dangereux projectile qui échappait ainsi à tous les regards.

Ivan, que je vis à l’audience, ne ressemblait nullement à sa sœur : deux grands yeux fixes d’hypnotisé ; tout en os, avec le geste automatique d’un somnambule et des contorsions de visionnaire. Insensible à la mort de la malheureuse, pendant tout le débat, les controverses scientifiques, les théories sur les réactifs, les combinaisons chimiques l’intéressent seules. Tac-