Page:Vaudere - L anarchiste.pdf/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LE CENTENAIRE D'EMMANUEL

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pour renouveler mes souvenirs, j’ai voulu contempler, aujourd’hui, mon premier berceau, et puiser, à mon ancienne gloire, un peu de consolation et de force. On célèbre mon centenaire : le centenaire d’Emmanuel ! Les orateurs préparent leurs discours, et la populace se presse devant ma demeure. C’est cette vieille maison aux marches disjointes, aux murs lézardés qu’une pieuse inscription désigne à la vénération des passants. Je veux fendre le flot, mais je suis brutalement rejeté sur les pavés et mon chapeau roule dans le ruisseau. Je n’ose le ramasser dans l’état où il se trouve.

— Mes amis, dis-je doucement, laissez-moi passer, je voudrais entrer dans cette maison.

— Tiens, pourquoi donc, fait une commère, que ce mossieur voudrait mieux voir que nous ?… Il ne marque pas déjà si bien ! Je me tais, honteux, et la femme me repousse avec mépris.

Deux heures se passent : la vieille demeure m’attire de plus en plus. On l’a décorée de lierre et de drapeaux ; la foule.se bouscule dans l’étroit couloir. C’est là que ma mère — la première, celle que j’ai connue — me ramenait le soir. J’avais peur dans l’ombre, et je serrais bien fort sa main entre les miennes.

O bonne mère ! j’irai prier sur ta tombe, et