Page:Vaudere - L anarchiste.pdf/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
UNE VENGEANCE

jus d’un fruit qui empoisonne peu à peu, mais dont la saveur est si suave et si capiteuse qu’y goûter une fois suffit pour donner le désir de s’en enivrer jusqu’à la mort.

— Elle était donc bien belle, cette femme que tu as perdue ?

— Elle était plus que belle. Que me font la régularité des traits, l’harmonie des contours si la flamme qui embrase le cœur, charme la pensée, ensorcelle et communique la science d’amour fait défaut à l’œuvre de Dieu ?… Bérénice n’était pas un beau morceau de marbre, pâle et insensible, elle incarnait la femme, la vraie, éternelle et unique, l’être enlaçant et doux, nerveux et passionné dont les larmes et les baisers sont aussi nécessaires à l’homme intelligent que le pain qu’il mange et l’air qu’il respire.

Georges laissa tomber sa tête sur l’oreiller, et des larmes ruisselèrent lentement de ses joues.

— Elle reviendra, sans doute, dis-je, afin de remettre un peu d’espoir en ce cœur ulcéré.

— Elle ne reviendra pas, parce qu’elle ne serait pas partie. Tiens, voici notre histoire ; aussi bien, tu m’aideras, peut-être, à découvrir la vérité, car le chagrin m’enlève la faculté de juger les choses sainement. Peu importe l’endroit où je la rencontrai. Ce fut en Suisse, en Espagne ou en Italie. Quand je la vis, il me sembla que je