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RÉINCARNATION

Ghislain l’avait rencontrée au bord d’une route, et il s’était demandé s’il avait devant lui un être humain, une fée ou un ange. Elle se mit à danser, à tourner, à tourbillonner sur un vieux tapis de Perse, jeté négligemment sous ses pieds ; et chaque fois que son rayonnant visage passait devant lui, un double éclair jaillissait de ses yeux.

— Oh ! danse, danse encore ! s’écria-t-il, comme elle faisait mine de se reposer.

Et elle se reprit à tournoyer, au bourdonnement d’un tambour de basque que ses bras purs élevaient au-dessus de sa tête. Son vol se faisait plus léger, elle s’élançait, frêle et vive comme une guêpe, avec son corsage d’or, sa jupe diaphane et la gaze blonde de ses cheveux répandus sur ses épaules. Il lui donna de l’argent, mais elle le jeta sur la route avec une grosse touffe de verveines qu’elle prit à sa ceinture. Ghislain était parti en serrant contre lui le frais souvenir de la bohémienne, et son image, quoi qu’il pût faire, ne sortit plus de sa pensée.

Deux jours après, en passant auprès d’une petite rivière dans l’intérieur des terres, il la rencontra de nouveau. La roulotte était arrêtée dans une prairie naturelle émaillée de luzerne, de trèfle et de sainfoin. Les nielles, les vipérines et les xylocopes noirs enivraient les abeilles, et la