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RÉINCARNATION

— Je sens que je mourrai bientôt, disait-elle, nous sommes trop heureux !

Et comme il joignait les mains avec désolation, elle poursuivait :

Quand je serai morte, je ne te quitterai pas pour cela ; la mort n’existe que pour ceux qui ne savent point aimer. Moi, je forcerai les portes du tombeau, car ma volonté unique, ma volonté inflexible est de rester toujours avec toi et en toi. Promets-moi d’associer ta puissance à la mienne, et de m’appeler à toi avec toute l’ardeur que je mettrai à briser mes chaînes ?

— Je te le promets.

— Quoi qu’il advienne, n’est-ce pas, nous serons l’un à l’autre, dans la mort comme dans la vie ?

— Je te le jure ! disait encore Ghislain, et la jeune fille consolée reposait sa jolie tête pâle sur l’épaule de son amant. Et c’était là son sujet favori de conversation. Sans cesse, comme un glas funèbre, très doux pourtant dans l’ensoleillement des choses, revenait cette parole : quand je serai morte ! quand je serai morte !…

Cette idée la poursuivait. La prescience d’une mission d’outre-tombe à remplir hantait ses nuits. Parfois, se dressant dans les bras du jeune homme, elle poussait un cri déchirant, et Ghislain livide, tremblant et désolé, la conjurait de ne