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L'ANARCHISTE

s’entassent sous les feuilles mortes et les épluchures.

Elle se pelotonnait dans la voiture qui l’emportait avec son homme vers les horizons embaumés d’espérances ; elle aspirait avec son cœur ces premières bouffées d’air pur et de liberté. Les robustes commères la regardaient passer de leurs gros yeux, étonnées de lui voir cet étroit visage de cire tacheté de sang aux pommettes et ces épaules frêles qui semblaient des épaules de fillette.

Elle était très élégante, la Claudie, avec sa robe à dix sols le mètre et son paillasson fleuri d’une touffe de bluets ! si élégante que j’avais peine à la reconnaître, et que je lui adressais des regards en coulisse comme à une demoiselle de distinction.

Nous descendîmes de voiture à la Cerisaie, et je voulus, moi-même, veiller à l’installation de mes protégés. J’avais fait repeindre et remeubler un pavillon attenant aux communs, afin que leur premier sentiment fût un sentiment de joyeuse surprise. Un beau fusil neuf, accroché au mur entre deux bois de cerf, attendait Jacques, et j’avoue que le résultat de toutes ces attentions dépassa mon attente. Jamais je n’avais vu une reconnaissance aussi sincère luire dans quatre prunelles humaines ! et jamais la satisfaction d’une bonne action ne me fut aussi douce.