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L’ÉTOILE DOUBLE

était une exquise caresse, cette poitrine qui se gonflait contre la mienne embrasait mes veines ; j’aurais voulu rester toujours ainsi.

Mais elle se releva souriante ; je fus étonné de sa beauté.

— Merci, dit- elle, je vais pouvoir maintenant poursuivre ma route.

— Poursuivre ta route ? m’abandonner ! Songe que tu ne saurais te passer de moi, que mon sang est nécessaire à ton existence… Reste ici !… Que chercherais-tu, ailleurs ?… J’ai fait le tour de ce monde, il est le même partout ; tu ne pourrais étancher ta soif ni assouvir ta faim. Reste, fleur de ce désert, douce réincarnation de ce que j’ai chéri !… Je sens que tu seras pour moi, patrie ; foyer, espoir, tendresse ! Tu me donneras ta vie en prenant la mienne, et, si je puis t’offrir une dernière joie en t’offrant ma dernière goutte de sang, je la chercherai jusqu’au fond de mon cœur pour en humecter ta bouche…

— Prends garde !… A ton tour, rappelle-toi la menace divine : Malgré ton corps éblouissant, tu ne dois être qu’un pur esprit, toute réminiscence terrestre te serait fatale. Ici, les êtres ne se reproduisent pas ; ils ne doivent ni s’admirer, ni s’aimer, ni se désirer. L’amour est créateur et, en créant, nous insultons le Maître qui, seul, peut disposer de notre destinée. Le temps que nous passons sur cette étoile