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L'ANARCHISTE

sans doute, s’apercevait de ma répulsion, me détestait plus que les autres petits, et j’ai certainement reçu de lui plus de raclées que de morceaux de pain ! Après une de ces exécutions, je ne pus me relever, et des voisins, accourus à mes cris, constatèrent que j’avais la jambe brisée. On me laissa en repos pendant quelque temps, mais sans appeler aucun médecin, de sorte que lorsque je pus enfin marcher, j’étais boiteuse. Bonne aubaine, d’ailleurs, pour les misérables qui me trouvèrent plus digne d’apitoyer le passant ; et je l’apitoyais, en effet, de telle sorte que je ne rentrais jamais sans rapporter plein mes poches de sous et de piécettes blanches.

» Lorsque j’eus treize ans, on m’enferma dans une masure voisine de la nôtre avec un chiffonnier qui me trouvait à son gré. Et, là, sur un tas de guenilles et d’os pourris, je subis, le plus infâme des supplices, malgré mes efforts et mes cris !… D’ailleurs, dans ces charniers où s’entassaient des familles de huit à dix personnes, sans lit, la plupart du temps, les hommes, les femmes, les enfants se gâtaient les uns les autres, comme des champignons véreux. Parfois, des épidémies de fièvre typhoïde ou de variole balayaient au cimetière les trois quarts de la cité ; et c’était tant mieux pour ceux qui partaient !

» Le chiffonnier fit de moi sa bonne amie, et il