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L'ANARCHISTE

rait toujours un soc de charrue pour l’écraser.

Une sorte de langueur m’avait envahi, un dégoût profond de la vie de garçon ; plus que jamais je sentais ma solitude, et, bien qu’aucune femme ne m’eût particulièrement intéressé, je cherchais inconsciemment autour de moi une âme où accrocher mon âme, une branche où accrocher mon nid !… De vagues désirs d’affection me faisaient tressaillir, je me sentais le cœur désespérément vide.

A vrai dire, les lettres de Claudie n’étaient pas étrangères à cet état. Cette pure tendresse féminine, qui battait doucement de l’aile loin de moi, me semblait la plus enviable des félicités. La pauvre fille pâle et fluette que j’avais arrachée à une mort certaine se revêtait môme, à distance, d’un charme troublant. Que n’étais-je aimé comme ce Jacques qui n’avait, après tout, que de l’orgueil et de l’envie au fond de l’âme ! Il est singulier qu’un brave homme bien équilibré, intelligent et généreux, ne puisse inspirer qu’une affection calme et prosaïque aux femmes qu’il rencontre. Les don Juan sont toujours ou de franches canailles, ou de parfaits égoïstes !… Peut-être, après tout, est ce la fatalité qui met la victime auprès du bourreau pour que l’œuvre de destruction, qui est l’œuvre suprême, ne chôme jamais. Ce n’est pas juste, mais, en y réfléchis-