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L'ANARCHISTE

tait pas si coupable, et que dans une circonstance analogue, bien d’autres, moins impressionnables, eussent perdu la raison. Guillaumet avait eu tort de laisser les discussions s’envenimer et de pousser ses convives à l’ivresse. Pour un homme aussi sage, cette conduite était tout au moins singulière ; il devait, en grande partie, prendre la responsabilité de ce qui était arrivé.

Et cette pauvre Claudie ?… La condamnation de son amant serait probablement aussi la sienne. Suspendue sur la tombe depuis longtemps déjà, et retenue providentiellement par le lien de sa tendresse, elle roulerait au fond si ce lien venait à être tranché. Aurai-je donc la cruauté, pour punir un crime excusable, de frapper cette faible et tendre victime ?… Dès ce moment, mon parti fut arrêté, je pris la ferme résolution de me taire, quoi qu’il pût arriver.

Claudie, comme si elle n’eût attendu que ce revirement, vint se jeter à mes pieds. J’eus peine à la reconnaître tant elle était pâle et ravagée. Immobile et muette, elle attendit sa condamnation ; puis, lorsqu’elle sut que j’avais pardonné, un torrent de larmes jaillit de ses paupières. Je pris doucement son mouchoir pour les essuyer, et je vis avec tristesse qu’il était plein de sang.

— Ma pauvre Claudie !

— Ce n’est pas moi qu’il faut plaindre, c’est