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LES DEMI-SEXES

Elle avait, enfin, un but dans la vie, un but auquel tout se rapportait et qui changeait la face de tout. Ses pensées jetaient à ses yeux la nature entière avec ses aspects charmants, comme une nouveauté inventée d’hier. Elle s’étonnait de n’avoir jamais vu ce spectacle adorable. Les êtres et les choses lui semblaient différents et meilleurs.

Le malheur de l’inconstance, c’est l’ennui. La femme coquette a le cœur vide et ne sait à quoi passer son temps ; la femme qui aime tremble de déplaire, et cette crainte occupe toutes les minutes de sa vie avec le souvenir. L’ennui ôte tout, jusqu’au courage de se tuer ; l’amour donne tout, jusqu’au bonheur de la mort !

Précédemment elle avait, tout en les méprisant, épié ces grands élans de l’être entier vers un autre être, nés, dit-on, lorsque les corps entraînés par l’émotion des âmes se sont unis. Ces élans n’étaient point venus. Elle avait voulu, pourtant, s’entraîner à la passion de Julien, multiplier les rendez-vous et se prouver qu’elle l’aimait sincèrement ; mais la fatigue était vite venue, amenant l’impuissance du mensonge. Elle renonçait à se tromper et à le tromper davantage, consta-