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LES DEMI-SEXES

tristesse noyait ses jours et ses interminables nuits.

Quand Philippe vint le voir, il fut satisfait de pouvoir s’entretenir avec quelqu’un qui avait connu Camille et qui, peut-être, le renseignerait sur son existence nouvelle. Le comte de Talberg avait souri en voyant l’abattement et la mélancolie du jeune homme.

— Vous ne pouvez donc pas l’oublier ? demanda-t-il.

Julien rougit devant le regard pénétrant qui fouillait sa conscience et remuait sa douleur.

— Ah ! dit Philippe, il y a des femmes que l’on devrait tuer !… Si ma peine peut soulager la vôtre, je vous la confie… Malgré tout mon scepticisme, je ne suis pas plus vaillant que vous.

Vivement le jeune homme lui prit la main.

— Oh ! comme je vous plains !

— C’est singulier, je n’avais jamais rien ressenti de semblable ; et mon état d’âme actuel me comble d’étonnement. J’ai plus de jugement que d’instinct, et, au fond, je ne suis qu’un jouisseur exigeant et capricieux. J’ai aimé les choses de la vie avec des sens d’expert qui savoure sans se griser, et qui, raisonnant ses goûts, ne saurait les subir aveuglé-