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LES DEMI-SEXES

et les craintes revenaient furtivement s’installer à son chevet. Les heures se traînaient péniblement, n’amenant un peu de repos qu’aux premières lueurs du jour. Elle revoyait alors des paysages d’enfance : un sentier pierreux plein de cigales et de mûres, des champs d’épis blonds où elle enfonçait jusqu’aux épaules pour cueillir des bleuets. Elle revenait de ses promenades avec ses jupes lourdes de fleurs et elle s’arrêtait pour respirer sous une voute de verdure haute, serrée, sombre, piquée çà et là de petites raies de soleil luisantes comme des ruisselets de rosée. Derrière quelques arbres plus frêles, elle apercevait, à gauche, des haies de sorbiers, des ravins veloutés de gazon, des touffes lumineuses de genêts d’or et des coins d’ombre tremblante où passaient des insectes noirs. Elle reprenait sa route sous les rameaux plus serrés et ce n’était plus qu’au tournant des chemins qu’elle apercevait la campagne ensoleillée ou le mur d’un bâtiment de ferme qui, s’encadrant dans une échappée, semblait combler le ciel. Elle marchait plus vite pour échapper au silence et à la solitude qui impressionnaient sa pensée enfantine, et ne reprenait confiance que dans le parc de sa demeure. Elle s’étendait