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REPRISE DES ÉTUDES

Chacun pouvait compter sur lui pleinement. Chacun même pouvait se croire l’ami préféré. Et lui, il aurait pu dire comme cet abbé espagnol du huitième siècle : « Je n’ai laissé qu’un frère dans le monde, et combien n’en ai-je pas retrouvé dans le cloître[1]! »

Il avait des prédilections, cependant, et des intimitiés profondes.

Certes, les sages ont raison : la matière est délicate, le sentier glissant, l’illusion facile et combien périlleuse ! A tout prix, il faut sauvegarder le détachement du religieux, la mortification du cœur et la charité commune. Mais, théoriquement, ne condamnez pas toute affection privilégiée : vous n’en avez pas le droit ; ou bien arrachez du saint Évangile la page radieuse des amitiés de Jésus. De lire dans les notes du frère Stanislas-Henry Verjus les effusions de son âme aimante, c’est un charme. On y contemple d’un regard ravi la céleste alliance de l’affection la plus vive, de la pureté la plus sévère et de l’universelle charité. L’axe de son cœur ardent, c’est Dieu. Nous avons trouvé dans les papiers du Frère de beaux fragments sur l’amitié. Il les avait notés au courant de ses lectures, parce qu’ils répondaient bien à ses propres sentiments. On y voit, côte à côte, pour la doctrine : saint François de Sales et Mgr Gay ; pour la doctrine encore et tout à la fois pour l’exemple : saint Augustin et son cher Nébridius, saint Grégoire de Nazianze et saint Basile de Césarée, saint Pierre Claver et saint Alphonse Rodriguez, l’abbé de Cheverus et l’abbé Legris-Duval, le P. Lacordaire et l’abbé Perreyve.

« Le cœur de l’homme, surtout du jeune homme, écrit-il, ne peut pas plus vivre sans affection que l’œil sans lumière. »

A l’un de ses confrères qui disait devant lui, absolument, que l’amitié est amollissante, il riposta par de

  1. Cité par Montalembert dans son admirable Introduction aux Moines d’Occident, p. LXXX.