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APRÈS LE NOVICIAT

Le frère Verjus est professeur d’une petite classe. Jules est élève de rhétorique. A trois ans près, ils sont du même âge, et leurs aspirations montent d’un même vol vers tout ce qui est beau, noble, généreux et saint. Les deux amis se plaisent ensemble ; mais, pour être à l’abri de toute illusion, ils ne se voient qu’avec. une permission du supérieur chaque fois renouvelée. Que si le Révérend Père, en vue d’un détachement plus complet, conseille au frère Verjus des rapports moins fréquents : « Je ferai de mon mieux…, ne tenant aucun compte de la nature et de ses exigences… Heureux d’être ensemble, nous serons aussi heureux d’être séparés[1]. »

Ce n’était point, certes, pour de banales conversations qu’ils se recherchaient, et moins encore pour des fadeurs et des fadaises, mais pour de fraternelles admonitions où l’on se disait la vérité crûment, et où l’on s’enflammait des saints désirs de la perfection religieuse.

« Oh ! que le Cœur de Jésus, écrivait le frère Verjus, me fait là une grande grâce ! Mon Dieu, si nous nous aimions tous ainsi !... »

« Que de beautés, que de douceurs célestes, que d’harmonies divines dans la sainte amitié !…. Oui, je crois que l’âme de Jules a été prédestinée par la miséricorde de Dieu à soutenir ma pauvre âme chancelante… Je veux m’en ouvrir à mon directeur… Je crois que cette chère âme me portera au Sacré Cœur tout droit… Quel bonheur de s’aimer comme au ciel[2] ! »

Et encore, ce mot candide tout à la fois et viril : « Mon Dieu, si vous ne voulez pas que je l’aime, ôtez-lui les traits de ressemblance qu’il a avec vous. Ô mon Jésus, c’est vous que j’aime en lui. Si cependant vous m’appelez à un amour plus parfait, frappez, coupez, tranchez[3] ! »

N’est-il pas vrai que Montalembert aurait pu ajouter

  1. 31 mars 1880.
  2. 18, 20 et 22 mars 1880.
  3. 17 décembre 1879.