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BARCELONE

Cœur qui nous veut ici ; à lui de nous nourrir. Quand nous serons dans le besoin, si nous savons prier, il viendra certainement à notre secours[1]. » Volontiers il eût dit, avec le saint roi David : « Je n’ai vu nulle part le juste cherchant son pain[2]. » Ce qui est indéniable, c’est que les pauvres de Jésus-Christ, les religieux, partout et toujours, ont su trouver le leur. Notre Frère connaissait-il ce passage des Constitutions de sainte Thérèse, la grande Espagnole : « Il ne peut y avoir rien de réglé pour l’heure du dîner, parce que c’est quand il y en aura. » Assurément, cet abandon total à la Providence l’eût rempli de joie, et, de grand cœur, il l’eût adopté pour sa règle de vie. Ce qu’il n’ignorait pas, c’est que les Missionnaires du Sacré-Cœur doivent être disposés à tout, « même à mendier de porte en porte, si parfois l’obéissance ou la nécessité l’exige[3]».

V

Pour aider à la Providence, il fait lui-même les commissions en ville, et, comme il ne sait pas encore l’espagnol, il lui arrive de temps en temps de bonnes petites humiliations dont il est, du reste, loin de se plaindre. Un exemple ; c’est le supérieur qui nous le rapporte. « Un jour, il arrive du marché, triomphant. — J’ai trouvé, pour notre chapelle, de vieilles mais bonnes chaises, à quatre francs le cent. — Je lui dis qu’il s’est trompé, que la chose n’est pas possible. — Oui, oui, vous verrez, de bonnes chaises à quatre francs le cent ! » Nous vîmes arriver en effet un tombereau de chaises. Il les place, les aligne dans la chapelle ; puis le marchand demande son compte. Le Frère lui remet avec une grave simplicité la somme de quatre pezetas. « Vous vous moquez de moi, lui dit notre homme, c’est quatre francs la chaise ; mais d’où venez -vous donc ? » etc., etc. Il fallut remporter les chaises et payer

  1. 27 novembre.
  2. Ps. xxxvi, 25.
  3. Const., ch. v.