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BARCELONE

compassion : « N’êtes-vous pas des religieux français expulsés ? — Oui, monsieur. — Et moi aussi, j’ai connu l’exil ! » Et le brave homme, tout ému, leur glisse dans la main son obole. Inutile de dire les sentiments du frère Verjus.

Tout en faisant les commissions, tout en apprenant la langue, il suivait les cours du séminaire. De beaucoup supérieur aux plus forts élèves dans les études latines, il s’en fait dispenser et réserve tout son temps pour la philosophie.

Tout son temps… Hélas ! il ne lui en reste guère. De là des tristesses et des accès de découragement. « saint Stanislas, mon bien-aimé patron, ayez pitié de ma misère ; tendez-moi les bras, et faites le miracle de me rendre courageux et fort contre toutes les épreuves[1] ! »

En ce temps-là, je ne sais pourquoi le supérieur a dû lui donner un avertissement. Avec quelle humilité le bon Frère s’incline sous la main du Père ! « Je ne suis qu’un néant, tout étonné qu’on me souffre ici. Pauvre Henry, peux-tu t’imaginer comment font tes supérieurs et tes frères pour te supporter, et, qui plus est, pour t’aimer ?… Et, par-dessus tout, comment fait le Cœur de Jésus pour ne pas te vomir, te repousser, te maudire ! Miracle d’indignité (d’une part) et de miséricorde (de l’autre), constituant un abîme d’où je ne saurais jamais sortir et où je veux me cacher, souffrir, vivre et mourir[2]. »

« Je reviens, je pars de nouveau, pour mille et mille commissions. Quelle vie ! quelles journées ! Mon Dieu, faites mon éducation ; mais que j’aie au moins du temps pour mon examen[3] ! »

Il y a des heures lourdes et lentes dans cette vie de l’exil. Nulle joie sur l’horizon. Nulle joie dans l’âme.

« J’ai perdu mon temps, restant toute la soirée comme assoupi, pensif et inoccupé. mon Dieu, pardonnez-

  1. 13 novembre.
  2. 22 décembre.
  3. 24 décembre.