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À TRAVERS LES OCÉANS

bruits circulaient. On mettait en suspicion l’honnêteté de l’entreprise et l’on traitait crûment les cinq passagers qui cachaient leurs noms et qui, sans doute, disait-on, n’étaient pas prêtres, de vagabonds, d’aventuriers. Le prieur des Augustins de Manille avait accueilli les Missionnaires comme des frères. Durant deux mois, non seulement il leur prodigua, avec une hospitalité généreuse, les conseils les plus intelligents, mais encore il les défendit contre les attaques les plus injustes et les plus passionnées.

Le 17 octobre, arrivait la Nouvelle-Bretagne.

Le commandant du navire était en même temps le gouverneur de la colonie. Il amenait avec lui quelques officiers espagnols que le marquis de Rays avait engagés et que ses représentants avaient évincés. Naturellement ces hommes étaient mécontents et peu enclins à dire du bien de la colonie. De son côté, le gouverneur faisait charger des provisions pour Port-Breton. Craignant que la quantité qu’on lui avait allouée ne fût insuffisante, il l’augmenta considérablement : le marquis de Rays, pensait-il, ratifierait ce surcroît de dépense. Mais des rumeurs de dissolution prochaine étaient parvenues en Espagne et en France. Les récits des officiers espagnols n’étaient pas pour les effacer.

C’est dans ce moment et dans ce milieu qu’arrivaient nos Pères.

Le jour du départ était fixé au lundi 30 novembre. Tous les passagers, venus de Barcelone, et qui se rendaient dans la colonie, avaient déjà pris place à bord de la Nouvelle-Bretagne. Le samedi 28, les Missionnaires résolurent de s’embarquer aussi, afin de dire la messe pour les émigrants.

Toutefois, les Pères Augustins cherchaient à les dissuader de monter si tôt sur le navire. « Attendez à lundi. Rien ne presse, disaient-ils. — Mais, tous les passagers sont à bord ; notre place est au milieu d’eux. — Qui sait, reprenaient les Augustins, si le bateau partira lundi ? » Tenus au secret, ils n’en pouvaient dire davantage. Rien