Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
LE SCOLASTICAT

sacrifice. Puis, le consécrateur verse sur l’autel l’huile qui fait les prêtres, les pontifes et les rois, et, enfin, il y allume l’encens, image brûlante et parfumée de la prière qui monte à Dieu. « Et vous, mes amis, dit tout à coup le prélat aux scolastiques du Sacré-Cœur, vous serez prêtres ! Vous deviendrez des autels vivants sur lesquels vous vous immolerez vous-mêmes… » Et, d’une voix émouvante, le noble proscrit leur retrace les périls et les immolations qui les attendent : « C’est un évêque exilé qui vous dit ces choses. Comme lui, vous parcourrez le monde en exilés… Mais non, le prêtre n’est exilé nulle part. » C’était, si l’on veut, la première partie de ce discours. Dans la seconde, l’évêque raconte, en larges et rapides paroles, la vie de Benoit Labre. Aux orgueilleux sarcasmes et aux turpitudes de Voltaire, son contemporain, et du « grand » Frédéric, il oppose l’humilité et la pauvreté du saint vagabond. Que reste-t-il de Voltaire et de Frédéric ? Un souvenir déshonoré. Que reste-t-il de Benoit Labre ? Cet autel au pied duquel les générations viendront implorer les faveurs d’un mendiant glorifié sur la terre et puissant au ciel. Un jour, épuisé de fatigue, le pèlerin était assis au bord de la route. Il avait bu de l’eau dans le creux de sa main. Il tenait un morceau de pain noir. Une noce vint à passer joyeusement. D’aucuns, le voyant, crièrent : « Oh ! le malheureux ! » Labre, tout plein de sa dignité chrétienne, se lève : « Il n’y a de malheureux, dit-il, que ceux qui vont en enfer. » L’Église, elle aussi, est pauvre au bord de sa route, et dépouillée. Des passants l’insultent. Elle a dans sa main l’eau pure de la foi et le pain de la doctrine. On la dit malheureuse. Il n’y a de malheureux que ceux qui vont en enfer… Il y a juste cent ans, — c’était en 1782, — Benoît Labre venait dans cette église, alors des Espagnols. Le recteur l’avait invité à y prier, et il lui dit la parole du Sauveur : Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par surcroit. Mes frères, je vous adresse la même parole et je vous fais la même promesse… Un jour, le pauvre Labre fut surpris à contempler