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Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/246

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LE SCOLASTICAT

faire un prêtre de ce pauvre frère Verjus que vous avez connu et aidé autrefois, et qui compte toujours sur vos prières… Oui, priez pour moi. Priez beaucoup. Je n’estime plus que la prière ! »

V

Cependant, de douloureuses nouvelles arrivaient d’Océanie. Une secousse de tremblement de terre avait d’abord renversé la pauvre maison des Missionnaires. Courageusement, ils s’étaient remis à des constructions nouvelles, non plus à Béridni, mais à Kinigounan, au centre même de Blanche-Baie. C’était presque fini quand, au milieu d’une nuit, en un clin d’œil pour ainsi dire, tous leurs travaux devinrent la proie des flammes. La chapelle avec son petit mobilier, les ornements sacerdotaux, les vêtements, les vivres, les livres, les bréviaires eux-mêmes, tout fut consumé. On acquit la triste certitude que l’incendiaire n’était pas un sauvage, mais un Européen, un catholique apostat. Presque nus, les pauvres Missionnaires s’en allèrent à Matoupi quérir des habits quelconques. Il fut convenu que le P. Cramaille resterait au milieu des Canaques et que le P. Navarre s’embarquerait avec le frère Fromm pour Sydney. Là il se ravitaillerait de son mieux. Il écrirait à Issoudun pour avoir des secours en hommes et en argent, réorganiserait, comme il pourrait, la Mission et rentrerait le plus tôt possible.

Nous n’avons pas à raconter ce voyage de Matoupi à Mékéo et de là à Sydney. Après la fureur du feu, ce fut littéralement la fureur des flots. Jetés d’une vague à l’autre, perdus dans une mer démontée, grelottants de froid sous une pluie torrentielle, vaincus par la fatigue, tordus par la faim, le Frère tomba malade à mourir, le Père ne pouvant plus que se plaindre doucement au Cœur de Jésus et à Notre-Dame du Sacré-Cœur ; recueillis enfin à bord d’un navire de guerre anglais[1], ils arrivèrent à

  1. L’espiègle